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18 Jul 2016

Mon cher carnet (extrait)

"Mon cher carnet, tu es le journal des calamités, mais pour les gens comme moi, vivre, c’est risqué et compliqué. Tu sais qu’il me faut écrire car en réalité je n’ai pas le temps de tout ressentir, sauf quand j’écoute les sanglots du mystérieux blues d’Artie Kaplan. Je mets le disque, je me remplis des fréquences et j’ai une montée, une réaction chimique. La vie reprend son cours un peu au-dessus de là où elle a semblé m’abandonner.

J’ai du mal à m’exprimer mais quand je te dis ceci, je prends pleinement conscience de ce que j’ai déclenché. Sans toi, je serais grise et sèche comme la mine de ce crayon. Je dois me regarder dans tes lignes pour le comprendre. Tu es mon ange-gardien. Ce sont les mots qui me touchent, ce sont les mots qui me sauvent. On ne peut pas me restreindre dans ma liberté de te le dire. Je me comprends à travers toi, la fille du carnet, et tu me soutiens."

23 Jun 2016

Les livres qui changent la vie

Certains livres donnent vraiment envie d'écrire... ou de mourir, de s'enfuir, de changer de vie.

L'esprit bascule dans une prise de conscience irréversible : il y a l'avant et après LE livre.

Pour moi, ces livres, chacun leur tour, sont les suivants :

- Toutes les bandes dessinées d'Hugo Pratt qui concernent Corto Maltsese, notamment celles qui se passent à Bahia et Samarkand et qui ont justifié deux de mes voyages lors de mon tour du monde (tout comme le Samarcande d'Amin Maalouf)

- L'ancien testament, surtout au début, les passages des prophètes et jusqu'à David et Salomon, immense épopée humaine fantasmagorique qui exicte le collectif de mon imaginaire 

- L'Odyssée d'Homère (et non, certainement pas l'infernal Ulysse de Joyce !), d'une beauté renversante malgré l'aspect un peu "militaire" de la poésie (désolée de me mettre du monde à dos)

- Debout les Morts de Fred Vargas et la Fée Carabine de Daniel Pennac, parce que Paris et ses comédies humaines me manquent

- Kafka sur le rivage de Murakami, qui m'a accompagné sur un road-trip en Asie et m'a redonné confiance en l'humain

- Les frères Karamazov de Dostoïevsky. Long, dur, compliqué, il faut s'accrocher à cette Russie fin de XIXe fascinante et romantique. La fin élargit le monde. Il avait tout compris, ce Dostoïevsky.

- A la recherche du temps perdu de Proust, avec ces îlots de vérités universelles qui émergent de cette masse de courant de conscience

- Le testament à l'anglaise et La pluie, avant qu'elle tombe, de Jonathan Coe, qui m'ont inspirée dans mon militantisme pour la première des femmes malmenées : notre planète

- Demain est un autre jour de Lori Nelson Spielman, pour sa bouffée d'optimisme dans mon cerveau angoissé

- La virevolte et autres essais de Nancy Huston, véritable coups de poings de femme à femme

- La femme au miroir d'Eric-Emmanuel Schmitt et La consolante d'Anna Galvada. Terriblement actuels qui me font rire et pleurer (oui, on peut les relire plusieurs fois)

- Mrs Dalloway de Virgina Woolf qui, bien qu'il ne s'y passe rien, est si délicatement inutile, beau et fragile, qu'il reste une source d'inspiration intemporelle.

mais aussi :

- Le dernier ami de Tahar Ben Jelloun

- Narcisse et Goldmund de Hermann Hesse (merci Hugo Pratt !)

- Le monde selon Garp de John Irving

- Ne tiez pas sur l'oiseau moqueur, Harper Lee

- L'élégance du hérison de Muriel Barbery

- A l'ouest rien de nouveau, Erich Maria Remarque

- Le petit prince, Antoine de Saint-Exupéry, évidemment !

21 Mar 2016

Etre une femme

Il y avait de la violence à l’école que chacun évitait de regarder avec les yeux du courage. Une violence latente, banale, ignorée, quotidienne. Une violence urbaine pleine de cris, expression impétueuse d’une détresse inextinguible qui pousse, qui sort et s’amplifie, dans un corps qui se libère et se déchire, avec une envie de faire mal pour faire passer sa propre douleur, et des mots véhéments pour atténuer la peur de vivre, tranchant dans le vif de la blessure. Violence entre les élèves qui se forment et se mesurent les uns aux autres, découvrant leur force, leurs aptitudes, leur tempérament, leur catégorie socioprofessionnelle, et cet avenir menaçant. Violence du jeune qu’on aguiche, qui se fait allumer, qui n’obtient pas ce qu’il désire, qui croit ce qu’on lui dit et qui songe enfin à se venger. Violence de la société qui attaque les adolescents sans recul comme autant de petits sujets, stupides consommateurs d’images et de rêves, crème des cibles marketing. Violence du système, que le meilleur gagne et tant pis pour les autres, tant pis pour celui qui « n’a pas les bases », qui restera à la traîne sans que personne ne le repêche. Violence de l’histoire des Hommes, des conflits familiaux, des règles du groupe, du vol, de la drogue, de la honte. Tout cela à affronter.

Telle une course aux abîmes qui peut donner le tournis, Pauline vivait son adolescence comme un parcours d’obstacles mettant à l’épreuve une effroyable vulnérabilité. Fuir les esprits malsains partout, se tenir tranquille là, chercher des renforts ici, trouver un passage. Elle n’avait pas l’intention de blesser avant qu’on ne la blesse, pas plus de raisons de défaillir si on la soutenait. Elle lisait dans chaque incident un signe universel qu’il fallait déchiffrer et analyser pour en tirer des rapports de causes à effets. De là jaillissaient ces questions, comment, pourquoi ? Elle avait besoin d’un interlocuteur pour les poser : un adulte, un ami, un amant, n’importe qui mais qu’elle cesse de penser seule. Elle refusait de s’habituer à se réveiller chaque matin en victime. Mais elle était femme et tout laissait croire que la femme devait endurer, protéger et excuser. Elle voulait transmuer sa souffrance en héroïsme, un genre de lutte romantique de la féminité faite martyre. Une puissante volonté intérieure lui fit prendre conscience que certains hommes maltraitaient les femmes par faiblesse ou par méprise. Elle voulait s’aimer à travers les autres et finalement aimer les autres. Elle ne connaissait pas encore la stricte solitude de la vie de chaque être humain.

12 Feb 2016

Hosting

La vie de quartier est plus prosaïque que ces fantasmes louches. Je prends Deb par le bras et je sors, je lui allume une cigarette que je pose tendrement entre ses lèvres et je la vois rire à travers le voile de la fumée, ses dents croquent le monde, ses cheveux longs jouent dans le vent. J’entends l’accent de sa voix longtemps après ses paroles, elle est comme un ange qui ravit mon âme.

On entre dans une boulangerie, personne. Je prends un gros bonbon en forme de cœur et le lui tends.

–   Tiens ma belle, je t’offre mon cœur.

–   Oh, comme c’est gentil, ma poupée !

–   Planque-le vite, je viens de le chourer.

–   Hein, quoi, comment ?

Ses yeux se plissent une seconde dans un regard de réprobation adorable et elle le fourre dans sa poche, mine de rien. Son temps de réaction et son air incrédule me font d’abord sourire, et c’est l’arrivée de la boulangère qui provoque la crise de rire. « J’ai été jeune avant vous, vous savez », nous dit cette dernière en nous offrant des meringues. On rencontre Jemil qui fume un joint derrière le gymnase du collège, je tire quelques lattes. Envolée, j’erre dans un état second, je serre Deb dans mes bras, elle me rend mon étreinte, on est heureuses. Jemil a de beaux yeux verts, c’est la dolce vita.

05 Feb 2016

La nécessité du devenir

La salle de classe ressemblait à un décor de saynètes où évoluaient des personnages à la fois naïfs et pervers, sauvés du désordre par l’éducation et qui se réinventaient en permanence dans une grande improvisation. Le fond des choses étant plus difficile d’accès que la forme pourtant déjà complexe, personne ne se comprenait. Derrière la douceur nubile d’un adolescent : haine et vanité. Sous sa laideur stupide : le désir d’apprendre et de partager. La composante temps filait en répétitions tandis que s’enchainaient paroles et cris, leçons et contrôles, pauses et cigarettes, soirs et week-ends, vacances et reprises. Tout ce qui avait pu s’apparenter à une découverte, une difficulté ou à l’émotion d’une première fois devenait familier, ouvrant la voie à la désinvolture et à un nouveau chaos. Entre l’hésitation polie où elle se contrôlait et l’exaltation sans borne où elle gâchait tout, il y avait ces moments exquis où Pauline franchissait le pas, persuadée que son rôle n’était pas d’être plus pure que la société autour. Être pure à l’intérieur et en marge à la surface. En dehors de son père devant qui elle s’affichait encore avec un maquillage ton sur ton parfaitement indécelable, elle bravait volontiers l’autorité, parce que c’était nécessaire à son développement personnel.

Les élèves se laissaient guider par la nécessité du devenir. En d’autres lieux, la vie professionnelle, composante du programme adulte, demeurait la grande inconnue. Les adolescents voulaient se lâcher avant que les obligations sordides de la société ne les rattrapent. À force d’envoyer tout le monde balader, Pauline comprit que ses congénères avaient, à défaut d’un but, les idées plus ou moins dévastées par l’envie, la peur ou la domination. L’homme était une bête qui ne pouvait se confondre complètement avec sa partie sauvage et animale. Ce « mammifèrisme » était-il la lutte de l’acquis, patrimoine de l’humanité évoluée, contre un instinct inné dans un corps oppressé, passage obligé pour atteindre l’âge de la raison ? Elle n’échappait pas aux règles mais ne ressentait pas encore ces tiraillements, trop occupée à se défendre. Son intouchable beauté était perçue comme un bonheur à partager, une promesse non tenue. L’homme souffrait inévitablement en contrôlant ses pulsions.

03 Feb 2016

Mystère et loi de la jungle – en classe

Coutumière de la défensive et cachant ses émotions, ce qui lui conférait une aptitude à la révolte sans perdre son innocence, Pauline se méfiait des exhortations qui masquaient de vraies sollicitations tout en sachant que rien à part elle ne viendrait endiguer le cours des événements. Pourquoi existait-il des agresseurs et des agressés et quelle règle permettait aux dominants d’imposer leurs lois ? Comment se reconnaissaient-ils entre eux pour le partage du territoire ? Mystère et loi de la jungle. Qu’y gagnait le plus fort des plus forts ? La soumission des autres individus de l’espèce, les faveurs de l’esprit féminin ? Fallait-il prendre parti avec ou contre les prédateurs ? Des alliances s’étaient formées parmi les élèves, des castes qui allaient en piétiner d’autres.

Toujours de son propre côté, Pauline la jouait habituée, solitaire et insolente. L’homme médiocre est partout. Si j’en souffre, tout le monde doit souffrir. Elle voulait s’affranchir de toute notion de respect pour ne plus craindre personne, comme un enfant qui en cherchant ses limites face à l’autorité parentale finit par se rebeller contre toute forme de hiérarchie. À commencer par les professeurs, qui montraient des signes de lassitude. Elle se méfiait de ceux qui, trop indulgents envers leurs détracteurs, se rangeaient de leur côté. Les pleutres étaient dangereux en ce qu’ils ne pouvaient protéger les agressés. Donner des leçons, d’accord, mais dans la limite du scolaire. Pour les autres, surtout pour ceux qui n’étaient pas des femmes – car il était communément admis que les femmes seraient toujours une cible de choix, qu’elles soient parentes, élèves ou professeurs – quand elle ne les ignorait pas, elle s’amusait de leur répondant.

29 Jan 2016

Prologue

Je suis entre la vie et la mort. Une vie pleine de prémices, la mort pleine de promesses. C’est un voyage de l’esprit libéré de ses barrières : la pensée, le corps, le temps. Mon esprit se connecte à la gestation universelle, où gravitent les vérités éternelles. Plus grand que la solitude, c’est l’absolu. Ici sont nés l’idée-cellule, l’envie-germe, l’image-titre, le désir-perle de cette histoire. Les mots avaient besoin d’énergie pour devenir matière. Matière à créer. Il fallait créer le lien avec la vie, pousser le raisonnement jusqu’à la mort. Je redevenais potentiel, poussière d’étoile, énergie cosmique chargée de mémoire.

J’étais une créature dans un temps : un être humain. Si je devais témoigner de ce qu’il s’est passé, je dirais que j’ai flotté, tel un astre en chemin dans l’univers, en orbite autour d’un mystère. Je manquais d’ancrage, je ne savais pas exactement d’où je venais, si j’avais une histoire. Quand on n’est pas tranquille, l’idée de toujours tourner en rond ne plaît guère plus que la perspective de s’écraser sur un objet. J’aurais pu demander leur intention à mes géniteurs. M’attendaient-ils ? Pourquoi ? Je les percevais sur un autre plan, je me trouvais ailleurs dans le mien. À présent, je me vois en autoscopie. Mais ce n’est plus moi, c’est elle.

La communauté horizontale l’attirait loin de sa famille verticale. Les deux permettaient de se repérer dans les axes. Elle aimait les artistes, et tous ces gens qui construisent d’autres trajectoires, ceux qui disent : « je sais qui je suis ». Savez-vous qui vous êtes ? Vue d’ici, c’était une femme dans un monde arbitraire qui a vécu, un peu, sans information, dans la grande tradition féminine de l’insécurité et du « fais-comme-tu-peux », avec une conviction : mourir fille et non mère, fût-ce le début de l’extinction de l’espèce, épargnerait à sa lignée de tourner en rond.

01 Jan 2016

Pace Salute e Bon’Annata

2015 a été une année bizarre et il n’y plus qu’à espérer que 2016 ne soit pas pire

(avec le lot de crashs, de morts et de FN qu’on a eu, comment pourrait-ce l’être ? ah oui, la fonte des glaces quand la banquise se mettra aussi à craquer…)

Dans ce monde où la société du spectacle (obscène, hein, pas la scène)
supplée l’humanité (et l’humanité n’est pas que la civilisation libérale
opulente), je ne peux que vous souhaiter de belles métamorphoses. J’espère
que vous trouverez des motivations pour lutter contre le poids du monde et
ses médiocrités politiques.

C’est ce que je fais quand j’écris (car comme dirait ‪#PaulineThot
l'héroïne de mon roman, « le chagrin brise le cœur pour mieux
l’agrandir »). Je vous souhaite d’écrire, à votre façon, mais aussi de
rêver, d’être classe, de faire couple, de rire, d’être des entêtés du
bonheur. Voilà c’est ça ! Soyez des entêtés du bonheur (comme dirait aussi
mother Christ, repérez bien d’où vient le bonheur pour suivre le courant).
Et comme dit le proverbe américain, ‘Regarding the future, hope for the
best but be ready for what comes’.

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